Un siècle aujourd’hui … le 4 août 1914 … l’Allemagne envahissait la Belgique !

Art & Artisanat des tranchées – Trench Art & Craft
WW1 * 1914-18
Depuis toujours, les militaires ont fabriqué divers objets pour occuper leur convalescence ou les périodes d’inactivité inhérentes à leur vie.
Ce travail apparait d’une manière plus significative durant le XIXème siècle et se développera particulièrement lors de la 1ère guerre mondiale.
A
B
C
A : Canne en malacca et buis – Tête de hussard – ca 1810
B : Détail d’une canne de militaire datée 1819.
C : Canne Art Populaire de militaire – Fin XVIIIème siècle .
De petits chefs-d’œuvre nous sont parvenus et parmi ceux-ci, de très beaux objets d’Art Populaire. Mais, dans ce domaine bien particulier, peut-on parler d’Art populaire au même titre que les « travaux de pont » des marins (1) ou ceux des bergers ou des herdiers (2) ?
Certains le pensent mais je ne suis pas convaincu !
En effet, parmi les soldats, nous retrouvons de très nombreux hommes de métier ou artisans qualifiés. La plupart, vont appliquer les gestes de leur profession d’avant guerre. Dès lors, l’exécution témoigne d’un réel savoir-faire, voire d’une impressionnante maîtrise … ce qui n’enlève rien à la qualité de leurs créations, bien au contraire … mais il ne s’agira, en aucun cas, d’art populaire.
(1) Production d’objets divers fabriqués par les marins.
(2) Pâtre communal dans le nord-est de la France et en Wallonie.

Canne en palissandre incrustée d’argent – Hydravion allemand – Biplan Albatros W.IV 1916
Ces incrustations en argent massif sont de très belle qualité. Ce travail est, sans aucun doute, celui d’un homme de métier bien expérimenté … Il ne s’agit donc pas d’un objet art populaire.

1916 – Hydravion Albatros W.IV – (réf : No747 01-Public Domain)
En effet, les objets qui méritent cette appellation échappent aux règles d’ateliers. L’exécution et la finition peuvent varier sensiblement. Dans certains cas, le travail est fruste, maladroit, naïf …, mais l’inexpérience des auteurs ne les empêche pas d’atteindre régulièrement à la beauté … à la poésie.
Comme je l’ai souligné dans un de mes articles consacrés à cet Art, l’une des caractéristiques essentielles de celui-ci, parfois partagée avec les arts premiers, est son ignorance des modes de représentation naturaliste : méconnaissance de la perspective, rabattements dans le plan, mépris des proportions ainsi que de nombreux exemples de « perspective morale ».

Canne monoxyle représentant une grenouille – XIXème siècle.
Bel exemple d’Art Populaire avec ses caractéristiques particulières

Très jolie canne de « herdier » et très bel objet d’Art Populaire avec mépris des proportions ainsi qu’un bel exemple de « perspective morale » … le loup est plus grand que le cheval.
Le résultat est différent. Le geste du sculpteur est moins précis ; l’interprétation est plus fantaisiste, frôle parfois l’imaginaire et laisse apparaître occasionnellement un « trait » de sa culture régionale.
L’art populaire existe sans aucun doute dans la production des objets de tranchées mais, certainement, dans une moindre mesure.
Définir ce genre n’est pas simple ! … Durant ces deux derniers siècles, les tentatives ont été nombreuses et les avis divergent. Les uns l’apprécient pour sa simplicité, sa naïveté, sa sincérité, pour la force de ses traits rudes et maladroits, son absence de style réel … Les mêmes critères le déprécieront pour d’autres.
Les spécialistes et les encyclopédistes laissent subsister de nombreuses questions sans réponse précise.
Est-ce l’art du ou d’un peuple ? … Est-ce un art non-savant ? … Est-ce l’art des non-artistes ? … Personnellement, j’apprécie ce travail populaire lorsqu’il présente une quasi-absence de formation artistique.
L’aspect mercantile
Les objets répétitifs produits en nombre dans un but mercantile ne méritent pas l’appellation « Art Populaire ». Les précédents ne manquent pas, comme les objets « forêt noire » ou les « santons de Provence » qui ont cessé d’être des œuvres d’art pour devenir des productions artisanales, des bibelots « touristiques ». C’est un glissement que l’on rencontre également dans les arts premiers, où telle statuaire traditionnelle s’est muée au fil du temps en monnaie d’échange, perdant sa vocation première et aussi, malheureusement, l’essentiel de ses qualités esthétiques …
Cet aspect mercantile ne peut être nié … de nombreux documents en attestent.

A. Galland-les Blessés au travail-1914 – Library of Congress – USA

André Fournier_- Affiche_expo Art pendant la_guerre_- Lausanne_1917
Bibliothèque de documentations internationales contemporaines.

Henri Dangon, – Affiche « Salon_des_armées » 1916 – Library of Congress – Prints and Photographs Division
Washington, D.C. 20540 USA

Artisanat de tranchées – Poilus au travail _ Guerre de 1914-18 – André Fournier 1916 – Bibliothèque de documentations internationales contemporaines
L’hebdomadaire « Le Pays de France », parmi d’autres, organise à cette époque un concours du plus bel objet d’artisanat de tranchée intitulé « L’art à la guerre » et des expositions-ventes, présentant le travail des soldats, sont organisées dès l’automne 1915.
Quoi qu’il en soit, les « poilus » vont fabriquer une quantité d’objets dans des matières très diverses trouvées sur place. Le métal et le bois seront les matériaux de prédilection (Cuivre et laiton, aluminium, fer, … provenant des projectiles, de l’équipement individuel, … ils utiliseront aussi, tissus, papier, cuir et végétaux, mie de pain, …
A
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Les 4 objets ci dessus proviennent du site : http://www.artisanat-de-tranchees.fr – A découvrir.
A. Bateau réalisé à partir de pain de guerre souvenir de 1914-1915 pain de la guerre longueur 22cm
B. Peigne a poux réalisé en aluminium gravé campagne 1914-1917
C. Statuette en terre cuite représentant un poilu sculptant une canne avec un serpent _ camp de ZEITENLIK 1917 Pennen
D. Pot à tabac en aluminium fait au bois La Mine avril 1916 TARCHER B.

Presse-papier Paris-Musée de l’Armée – Dist. RMN-Grand Palais – Emile Cambier
Ils vont dessiner, peindre, sculpter, graver, incruster, assembler une foule d’objets détournés de leur fonction première …



Poilu déssiné par E. Terraire sapeur 275° d’Inf. Cie Hors-rang – © http://www.artisanat-de-tranchees.fr

Dessin de poilu sur un support identifié comme étant du papier peint « faux marbre » assez courant à l’époque

Casque peint – Artisanat de tranchée – Trench art – National World War I Museum – Kansas City, MO – DSC07640
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L’amateur de « militatria » ou de telle ou telle période marquée par une guerre sera ravi de collectionner tous les objets issus de cet évènement particulier.
Si vous êtes un amateur d’Art Populaire … à vous de faire la part des choses.
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Parmi tous ces objets, c’est la canne qui m’intéresse … je ne vous apprends rien.
C’est un objet plus personnel que le « poilu » va s’efforcer de conserver. Elle est nécessaire au soldat qui doit effectuer de longues marches dans des conditions difficiles. Pire, circuler dans les tranchées boueuses et peu aménagées tient de l’exploit … Il ne s’en sépare donc pas.

Conditions déplorables du déplacement des poilus – 1914-18
Sources : http://carlpepin.com/
La fabrication des cannes et bâtons que vous allez découvrir est lente. Comme dans un carnet de voyage, le soldat va y inscrire des détails plus personnels, durant des semaines et des mois, des années : matricule, dates commémoratives, feuilles de chêne et glands, la représentation d’une épouse ou d’une fiancée, lieu d’emprisonnement, liste des batailles effectuées, de nombreux symboles : lierre, serpent, grenade, trèfle, …
Détails de cannes de poilus 14-18 … Certaines en sont couvertes.
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Plus rares, d’autres deviennent des reliquaires contenant des parties osseuses récupérées après une intervention chirurgicale : os, cheveux, …

Canne reliquaire – Le fémur du soldat a servi à la fabrication du pommeau.
L’intérieur de la corolle d’où sort la partie osseuse porte les couleurs « bleu-blanc-rouge »
Le fût est taillé avec des départs de branches sur lesquels un serpent s’agrippe.

Canne reliquaire de poilu – Diverses médailles et pièces métalliques travaillées agrémentent la composition
Au centre et à travers le fût, une cavité a été pratiquée. dans laquelle une partie osseuse a été fixée.
Belgique – WW1 – 1914/18

Une autre variante de canne reliquaire provenant de la région de Mons et datée 1914
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Les cannes de poilus sont nombreuses … Beaucoup se ressemblent mais l’interprétation, la facture, l’originalité, …, serviront de critères à votre choix.

Durant cette année commémorative 2014, au fil des jours qui passent, j’additionnerai de nombreux exemples et vous ferai découvrir un large échantillon de cette production.
Je m’efforcerai, au fur et à mesure, d’analyser chacune d’entre elles.
Revenez donc régulièrement sur cette page pour les découvrir.
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Le serpent

Très bel exemplaire de canne de poilu – Le serpent est l’un des symboles les plus utilisés en ce domaine. . D’innombrables cannes de ce genre existent dans des factures différentes. Dans ce cas, la sculpture est à très hauts reliefs et de belle qualité. Un joli décrochement de la tête du serpent sert de poignée.
Cette canne porte les inscriptions … « Souvenir de France – Campagne 1918 » … deux sabres entrecroisés figurent entre « Campagne » et « 1918 ».
Une douille en laiton et une pointe en fer (partie de clou) ont servi de férule (embout)
Technique : sculpture et pyrogravure.
Hauteur totale : 96 cm.
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La grenade

Canne de poilu monoxyle avec un pommeau en équerre ayant la forme d’un bras et d’une main brandissant une grenade.
Le fût est lisse et ne porte qu’une inscription « Verdun 1917 ».
Sujet original, simple mais de belle facture un peu naïve.
– Technique : sculpture
– Bois : houx (?)
– Embout : inexistant.
– Hauteur totale : 94 cm.
Verdun … l’apocalypse !
1916 … Verdun fut la plus longue et l’une des batailles les plus dévastatrices de la 1ère Guerre mondiale et de l’histoire de la guerre. Verdun apparaît aussi comme l’une des batailles les plus inhumaines auxquelles l’homme se soit livré. L’artillerie causera 80 % des pertes. Le rôle des hommes consiste surtout d’y survivre ou d’y mourir dans les pires conditions sur un terrain devenu en enfer.
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Laurus nobilis

Bois de La Reine 1916 … un autre souvenir de la région de Verdun et celui-ci est de 1916 … la terrible année.
« Bois de La Reine – 1916 » : c’est la seule inscription qui figure sur cette jolie canne monoxyle. Une main tient une branche de laurier … Laurus nobilis … symbole de la victoire … cette canne appartenait sans doute à un des rares rescapés de cette période infernale.
Hauteur totale : 86 cm
Bois sculpté
Trace de férule (embout) manquante.
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La main

Cette canne est assez particulière … En effet, nous retrouvons le serpent, le chien, une grenouille (relativement récurrente), une main.
Jusqu’ici, les symboles sont classiques … S’y ajoutent, une femme dénudée et une inscription « Souvenir du Poilu » sans aucun apport supplémentaire lié au propriétaire ! L’ensemble est polychromé … ce qui est inhabituel. Parfois, certaines parties le sont mais les rehauts de couleurs sont en général limités à de petits éléments (drapeaux, insignes, certaines annotations, …) … rien de plus.
Bien évidemment, sur le front, le poilu ne disposait pas facilement d’un ensemble de couleurs différentes. Je suis persuadé que cette canne est le travail d’un soldat en convalescence, produite dans le cadre des expositions, salons ou concours et destinée à la vente au profit des Oeuvres de Guerre. — En somme, un souvenir de poilu —
Voici quelques détails

Technique : Bois monoxyle sculpté et polychromé
Bois : charme (?)
Embout : inexistant
Hauteur : 93 cm
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Le cochon qui pleure

Canne de poilu – Forêt de Chapenoux – Lorraine – 1916
Sujet original et peu fréquent pour une canne … un cochon en pleur avec un casque à pointe … 2 larmes s’échappent des yeux
Seul le pommeau est travaillé et porte à l’arrière de cette caricature le monogramme « L.R. ». Le fût lisse est orné d’un phylactère discret renfermant les inscriptions « Foret de Champenoux – Lorraine – 1916 ».

Cette canne aurait appartenu (?) à Léopold Retailleau (1892-1918)

Bois dense et lourd : non identifié
Technique : sculpture
Férule (embout) : inexistant
Hauteur totale : 95 cm.
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WW1 – Bâton de guerre – Arme improvisée – 14-18

http://danieltraube.skynetblogs.be/archive/2010/10/05/canne-de-combat-escrime-a-la-canne-et-au-baton.html
http://danieltraube.skynetblogs.be/archive/2008/08/05/les-cannes-d-art-populaire.html
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http://www.artisanat-de-tranchees.fr/
http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=945
http://www.premiere-guerre-mondiale-1914-1918.com/artisanat-des-tranchees.html